Rabah et Iman, titulaires d’une Licence de Droit, sont en grève de la faim et « campent » devant l’Université Lyon-2 depuis le mardi 5 octobre pour obtenir leur inscription en Master.
« Pour le droit d’étudier, inscriptions pour tous.tes » exige leur banderole fixée à côté de l’entrée de la fac. Au 5e jour de leur grève, ils témoignent :

• Rabah : Nous avons obtenu en juin 2021 une Licence en Droit privé à l’Université Lyon-3. Nous avons postulé un peu partout en Master de Droit des affaires et nous n’avons essuyé que des refus. Nous sommes À Lyon-2, ils nous ont donné des motifs très surprenants. Par exemple pour moi : « Votre absence de formation en droit français ne vous permet pas d’accéder directement à cette formation. » C’est quand même grave, alors que ma Licence je l’ai obtenue sur le trottoir d’en face à Lyon-3 ! Donc ça veut dire qu’il n’y a pas eu d’égalité des chances. Et je n’ai toujours pas d’explications sur ce motif inadmissible qui est signé par le doyen de la faculté de Droit par délégation de la présidente de Lyon-2. Aujourd’hui ils nous disent qu’ils constatent une erreur… mais ne savent pas comment la justifier et ils ne la réparent pas.
• Iman : Moi on m’a dit que mon niveau était « insuffisant ». Mais quand j’ai demandé un réexamen de mon dossier de candidature, on m’a répondu qu’il était introuvable et on m’a demandé si j’avais candidaté ! J’ai alors renvoyé mon dossier… sans réponse. Puis un mois après on m’a répété que c’était « insuffisant ».
• Rabah : Début septembre, faute de réponse positive, on a fait tous les recours gracieux possibles, on est allé rencontrer les responsables de Master, les doyens, présidents d’université… on a contacté le médiateur académique, le recteur, un sénateur du Rhône, la ministre de l’Enseignement supérieur et le président de la République… mais rien n’a abouti. Le rectorat nous a dit qu’à partir du 15 octobre, il fallait commencer à trouver une alternative… donc un travail. « Si vous n’avez pas de réponse, il n’y aura pas de place pour tout le monde », ils nous ont dit. C’est contradictoire avec les propos de Madame la ministre Vidal qui a affirmé le 30 septembre dans son discours qu’il y avait vraiment de la place pour tout le monde.
Tous ces recours infructueux, ça nous a fatigué : ça demandait beaucoup d’énergie, de déplacements, et d’argent aussi clairement (impressions, recommandés, transports…). Une fois qu’on a épuisé tous les recours possibles, on a décidé d’agir par ce mode d’action pour revendiquer un droit. C’est pas une invention, c’est un droit, qui ne concerne pas que nous mais aussi d’autres étudiants qui sont dans la même situation. Et depuis le début on essaye de faire en sorte que les choses changent pour tout le monde, tous ceux qui sont sans Master actuellement.
Malgré nous on a décidé de faire cela de manière visible et brutale, car on met en danger notre santé et on s’en rend compte chaque jour car on dort aussi là, on vit le froid, les dangers de la rue, la faim, la fatigue… tout.
Alors qu’il y a droit établi par un décret du 19 mai 2021 qui affirme que le recteur doit si on le saisit nous présenter « au moins trois propositions d’admission dans une formation conduisant au diplôme national de master ». Mais à l’heure actuelle silence radio, on n’a aucune proposition de personne, on est laissé voués à nous même, donc on est obligés de faire cette grève de la faim.
• Iman :« Moi j’habite dans une résidence étudiante, et du fait que je ne sois plus étudiante faute d’inscription, ils m’ont demandé de quitter les lieux. Donc je finis à la rue si je n’ai pas de place à la fac, et c’est pour cela que je fais la grève de la faim. Et aussi parce que je suis boursière normalement, et depuis fin juin ma bourse est coupée aussi . »
• Rabah : Depuis mardi, on a reçu le soutien de beaucoup de syndicats étudiants qui ont défendu notre cause, d’avocats et de tous les passants, sur internet aussi… Il y a des étudiants qui viennent nous voir tous les jours, qui sont dans le même cas que nous, qui prennent des nouvelles, mais personne n’a de réponse ! C’est un stress invivable. On attend des solutions mais on ne sait pas vers qui se tourner. Ils se renvoient tous la balle. La présidente de Lyon-2 est venue aussi le premier jour de notre grève, mais elle est allée jusqu’à nous proposer de demander à Lyon-3 d’annuler nos notes de Licence 3 pour qu’on la repasse, alors qu’on l’a déjà obtenue ! Des doyens de fac eux nous disent d’écrire au ministère pour demander un budget de 60 000 euros… mais ce n’est pas à nous de faire cela : il y a une obligation légale. C’est d’autant plus surprenant qu’on a affaire à des juristes !
« Nous on veut que notre droit soit respecté. La ministre Vidal a dit le 30 septembre qu’il y avait de la place pour tout le monde, mais entre le discours et la réalité il y a un fossé, et le fossé c’est nous ! Nous on défend notre cause et celles de ceux qui sont dans le même cas. »
Et on ira jusqu’au bout, quitte à finir à l’hôpital ou même au cimetière, pour que ça serve à ceux qui nous succéderont et qui sont victimes de ce système.